Vous ne trouverez pas un avis détaillé pour chacun des livres que je lis, non pas parce que je ne l'ai pas apprécié mais parce que je lis plusieurs livres en même temps et que le travail d'une chronique impose d 'être fait juste après la lecture terminée pour un meilleur ressenti et souvent, cette rigueur ainsi que le temps me manquent.
Si vous êtes attiré par « Et tes larmes retenir », ne vous retenez pas mais…lisez avant « For ever young » et « Vingt ans et quelques » pour le plaisir de suivre l’histoire d’Anna et de Julien dans son intégralité. C’est loin d’être une obligation mais c’est encore mieux ! Vous ne vivrez pas une bonne soirée de lecture mais trois !
C’est une histoire d’amour aussi simple et compliquée que ce que la vie nous réserve ou nous a réservé. Charlotte Orcival a le don d’une écriture limpide et juste qui entraîne et rend compulsif. Ce qu’elle raconte n’est jamais bien loin de notre propre vécu et elle nous offre ce que l’on recherche parfois en lisant, une caisse de résonnance de nos propres émotions, de nos doutes, de nos choix, de nos vies.
L’histoire est celle d’Anna et de Julien qui tombent amoureux au lycée, se séparent et se retrouvent par hasard 14 ans plus tard, l’un en face de l’autre et voient renaître instantanément leur ancienne complicité.
Simple ! me direz-vous. Ah, oui, vraiment ? Je vous mets au défi de raconter une histoire d’amour avec rationalité. Si l’amour se vivait de façon logique, on le saurait et on lirait des manuels et des modes d’emploi à son sujet plutôt que des romans et des poésies. Et, au final, on n’en parlerait pas autant puisqu’on saurait où le trouver.
Bon, revenons à Anna et Julien.
Leur rencontre au lycée ayant été racontée du point de vue d’Anna, l’histoire de leurs retrouvailles se fait par le récit de Julien. Bien vu ! Excellent ! J’adore les points de vue masculins. Parce que même si on nous apprend que les femmes viennent de Vénus et les hommes de Mars, il y a bien un peu de mélange de planètes dans les faits et même une fusion totale quand il est question de vie à deux. Anna et Julien, c’est un peu le couple de Platon, deux moitiés faites l’une pour l’autre, mais…c’est là que Platon ne nous sert à rien….parce qu’il y a toujours des « mais » qui font la fragilité de nos vies amoureuses.
Dernier conseil pour accompagner votre lecture : Faites une playlist des musiques citées par Charlotte pour plonger encore plus dans l’ambiance de ces romans.
Chronique
Je n’ai pas l’habitude de lire des récits d’aventures à la James Bond mais j’ai sauté sur l’occasion qui m'était donnée de découvrir l’univers des romans de Paul Eric Allégraud et de son héros, Poljack.
Me voici donc à voyager assise, passant d’un village de la Drôme, à Lyon puis dans les steppes de Mongolie, puis faisant le voyage de retour, suivant les tribulations de l’agent spécial Poljack, intrigué par la découverte d’une momie drômoise qui ne semble pas très antique.
Comparant souvent les livres à un plat de gastronomie, de ces plats qui sont longuement pensés et élaborés, je dirais que ce livre à des saveurs piquantes et agit sur nos sens de diverses manières et qu’il laisse le souvenir d’un bon moment de dégustation.
Je ne m’attarderai pas sur l’enquête menée par le héros qui l’emporte dans la découverte d’un trafic humain inhumain (je préfère laisser la découverte aux lecteurs) et je vais m’attarder sur ce qui m’a particulièrement plu et qui compose l’unicité de ce roman.
Écrit à la première personne, ce récit a du rythme. L’auteur maîtrise parfaitement son contenu à tous les niveaux. Il nous accroche, mêlant les réflexions personnelles du héros aux actions et rebondissements, sans lenteur, sans faux-pas.
Poljack se livre à nous, dans son imperfection d’être humain, avec ses qualités et ses défauts, capables de se mettre dans des situations parfois peu maîtrisées (mais il s’en sort, bien entendu, ouf !), un agent spécial apprécié et soutenu de ses collègues, une forte tête pour sa hiérarchie, mais aussi un frère et un oncle aimant, et un homme qui ne peut être amoureux (son métier lui impose une vie de détachement, on le comprend.) mais qui n’a pas fait vœu non plus de chasteté, surtout face à l’esprit libre de son homologue féminin et étranger. Alors, certains soirs, après de fortes émotions qui les amènent au bord de la vie, le repos des guerriers s’impose, ensemble !
Dernière chose appréciée qui participe de la maîtrise de l’écrivain : les apartés, ces interpellations du lecteur qui m’ont fait sourire.
Paul Eric Allegraud est un habile conteur.
Extrait : "Ca y est, je suis mort.
Il était temps depuis le temps que j'attendais.
Car depuis que j'ai pris conscience de ma "finitude"...comme ce mot est laid...mais on m'a conseillé d'essayer de l'utiliser au moins une fois dans l'une de mes nouvelles, parce que c'est "moderne" entends-je dire, et ne serait-ce que pour le tester ?
Voilà qui est fait...mortel, je fus...mort je suis." (Nouvelle 'Le bon choix ?')
Avis : Amatrice de nouvelles, j'ai dévoré ce recueil de 30 histoires qui sont chacune des instants de vie émouvants, parfois drôles, souvent emprunts de tristesse. L'auteur a l'art de nous rendre chaque personnage attachant, dans ces espaces courts respectant les règles du genre. Il mêle des clins d'oeil à l'Histoire à des récits plus autobiographiques, il passe du réalisme au fantastique, créant pour le lecteur la surprise à chaque nouveau récit et le plaisir d'une lecture qui se renouvelle à chaque fois face à un style toujours fluide et alerte. De plus, Patrick Peronne est un écrivain qui ose se livrer et cela m'a ému plus d'une fois.
Incipit : Vingt-huit ans, vingt-sept jours, vingt-six heures, vingt-cinq minutes et vingt-quatre secondes très exactement avant le début des événements tragiques qui ont modifié à jamais notre vision du monde ...
Extrait : "Malgré un faciès incommodant et disgracieux qui semblait condamner toutes chances de succès pour l'avenir, un quotient intellectuel digne d'une moule de Bouchot, une dentition et une élocution à faire pleurer de rire dentistes et orthophonistes, je venais de montrer pour la première fois de ma misérable existence des qualités insoupçonnées qui m'auraient sans doute permis de percer dans le milieu sportif ou devenir une star du ballon rond dans le futur improbable d'un monde alternatif."
Avis : Une histoire de zombies loufoque et très drôle ! Derrière une narration qui mène à vive allure une apocalypse sous le ton d'un humour noir et gore, se cache une vraie réflexion sur la façon dont le Monde moderne fabrique sa propre destruction. Il y a de l'acidité dans les idées ainsi que dans les descriptions des personnages : bêtise et méchanceté se transmettent dans la transformation des humains en zombies. Un monde nouveau ainsi se recrée, presque semblable à celui d'avant. On sourit et rit beaucoup, l'humour de l'auteur et son imagination sont sans limite. Titres détournés, personnes célèbres épinglées, limites dépassées, c'est jubilatoire. Jamais je n'ai lu un tel roman. D'ailleurs, en existe-t-il ? En dehors de l'histoire, j'ai apprécié la qualité d'écriture de l'auteur. Ce deuxième roman d'Eddard Mingwe est, dans son genre, une réussite !
Incipit : Couchée au milieu des blés, Emilie écoute le vent qui secoue les épis. Une vague déferle puis le silence revient sur le plat pays de Beauce. Emilie pense à sa vie, pleine de couleurs, parfois comme ces paysages de culture au printemps. A perte de vue se côtoient le jaune du colza, le vert du blé pas mûr, le marron des champs en attente. Elle a eu de bons moments dans ses vingt années écoulées, mais elle a aussi eu ses périodes de platitude où rien de spécial, rien de coloré, rien de passionnant ne vient perturber le cours cyclique de la vie. Les terres sont travaillées, semées. Les cultures poussent mûrissent. Vient alors le temps de la récolte et tout recommence. Les couleurs des champs, ces contradtes qui ne durent que quelques semaines, elle aurait pu les garder, les figer si seulement elle avait su, si seulement elle avait pu...
Avis : Après ce calme arrive une guerre dont le lecteur ne connaîtra jamais les détails. Et la vie d'Emilie en sera bouleversée. C'est un roman à part dans tout ce que j'ai lu. Il s'en dégage une ambiance douce et feutrée alors que le contexte, la toile de fond sont des événements violents dont des bribes nous parviennent parfois mais sans que nous n'en ayons connaissance réellement. Cette guerre présente en filigrane a pour conséquence une vie en huis-clos pour tout un groupe de personnes pour lesquelles les jours et les semaines s'écoulent à l'abri d'une grotte, comme un retour aux temps préhistoriques. Les hommes sortent combattre et protègent les femmes et les enfants qui attendent la résolution du conflit. Dans cet enfermement, les sentiments s'exacerbent et s'expriment. D'abord, la haine, le rejet puis l'acceptation de l'autre, l'amitié et l'amour. Se dessine en particulier le personnage d'une enfant qui cristallise toute l'attention des personnages principaux et joue un peu les chefs d'orchestre, dévoilant le meilleur de l'être humain. Ce roman s'apparente par son unité de lieu à une pièce de théâtre se finissant lorsqu'une nouvelle vie commence en dehors de la grotte, liant la résolution du conflit extérieur à la résolution des liens entre les principaux protagonistes. Roman très agréable. Le tome 2 est en cours d'écriture...A suivre !
Incipit : Gabriel en avait assez des divorces.
Ça devait bien être le deux centième qu’il s’apprêtait à entreprendre…
Extrait : "Gabriel analysait scrupuleusement tout ce qu’il lisait et là, il interprétait le « super » comme « Ah oui, bonne idée, ça me fait plaisir ».
Et surtout, le point d’exclamation, qui faisait toute la différence dans la gradation de l’enthousiasme : aucun point d’exclamation, c’est quasiment un râteau, un point d’exclamation, on est
très content, et ensuite, plus il y a de point d’exclamation, plus l’intérêt décroît."
Avis : Pour suivre l’extrait choisi, j’ai envie d’écrire : « Super ! » Tout est bien dosé dans ce roman policier. Aucun ingrédient ne manque : personnages campés, action menée dans un bon rythme, style direct et agréable à lire. Et l’auteur semble bien renseigné sur les milieux qu’il décrit. Il ne verse d’ailleurs pas dans la facilité pour ce premier opus. Un zéro faute ! En plus, il vous fait cadeau du début du roman suivant et là, vous vous rendez compte que vous avez très envie de suivre le couple naissant, Rossetti et MacLane, dans une nouvelle enquête.
Incipit :
"Un bruit mat.
Celui de l'acier qui, à coups réguliers et vigoureux, mord la terre battue."
Extrait :
"Pour peindre la fille, j'ai utilisé son sang. Je l'ai représentée comme elle se tenait, à genoux, les deux mains à sa gorge. On dirait qu'elle prie. Je n'ai jamais rien fait de meilleur. Ai-je enfin trouvé ma voie ?"
Tous les ingrédients d'un excellent thriller sont présents. On est pris dès le prologue, on est étonné à la fin et on en redemande. Dans ma bibliothèque, Darlanuc côtoie Läckberg, Kepler et Olsen.
Et c'est un auteur indépendant !
Incipit :
"Le silence en présence d'un étranger oppresse. Etre dans le devoir, l'obligation de parler, crée un tsunami mental."
Extrait :
"Assise, genoux croisés, je caresse le cuir du passant laminé par l'anxiété des patients (des droitiers en majorité, l'accoudoir gauche est pratiquement indemne) et constate qu'il n'a pas remplacé la boîte de mouchoirs vide. Je ne peux plus faire semblant de ne pas avoir remarqué cette absence. Chez ma psy à New York, il y en avait toujours. On peut compter sur les freudiens pour les Kleenex."
Coup de coeur pour une auteure indépendante !
Après avoir lu la première séance, j'ai tout de suite achetée toute la saison 1 et je l'ai dévorée en une soirée. Les deux autres saisons ont suivi. C'est un récit qui se construit à chaque séance de psy vécue par les personnages. Il s'en dégage beaucoup de sensibilité, d'humour, de tendresse, de poésie. On sourit beaucoup en lisant Cris Simon même si elle aborde le mal de vivre de l'intérieur.
Incipit :
"Il existe cinq choses absolument abominables qui peuvent durablement marquer la vie d'un homme et la détruire en un temps record."
Extrait :
"14h25 : Je suis soulagé car ma rolex fonctionne toujours...Nous sommes au milieu du chaos. On dirait la fin du monde. Numéro 1 vient de grimper sur la table et contemple la mêlée hsytérique. Il est complétement à poil, gratte son torse monstrueusement velu qui le démange furieusement et gesticule comme un gorille en rut chantant du Demis Roussos tout en fracassant le vidéoprojecteur qui a délivré les chiffres maudits..."
Récit inclassable et drôle !
Tous les lecteurs s'accordent pour le qualifier de déjanté, cocasse, rocambolesque et jubilatoire. Et la prochaine production d'Eddard Mingwe sera de la même veine apparemment....Il a inventé les O.L.N.I. : les Objets Littéraires Non Identifiés.